CHAPITRE 29

 

Hand a fini par organiser la réunion, à une heure et dix-sept minutes. C’était un peu juste, mais peut-être laissait-il tout le monde se calmer un peu. On criait sur le pont supérieur depuis mon départ. Dans la soute, j’entendais le ton mais pas les mots, du moins pas sans appliquer le neurachem. Cela semblait durer depuis longtemps.

De temps à autre, j’entendais des gens passer dans la soute, mais aucun ne m’a approché. Pour ma part, je n’arrivais pas à rassembler l’énergie ou l’envie de lever la tête. La seule personne qui ne m’évitait pas, apparemment, était Sémétaire.

— Je ne t’avais pas dit que j’aurais du travail par ici ?

J’ai fermé les yeux.

— Où est ma balle antipersonnel, loup Impacteur ? Où est ta fureur flamboyante, à présent que tu en as besoin ?

— Je n…

— Est-ce que tu me cherches ?

— Je ne fais plus ce genre de conneries.

Un rire, comme la cascade de piles corticales se déversant d’une caisse.

— Kovacs ?

J’ai levé le regard. Luc Deprez.

— Je pense que tu devrais monter.

Au-dessus de nous, le bruit semblait calmé.

— Nous n’allons pas, a commencé Hand très calme en parcourant la salle du regard, je répète, nous n’allons pas partir d’ici sans laisser une bouée Mandrake de l’autre côté de cette porte. Relisez votre contrat. L’expression « chaque possibilité qui se présente » est capitale, et omniprésente. Quoi que le capitaine Sutjiadi vous ordonne à présent, vous serez exécutés et renvoyés aux décharges d’âmes si vous partez sans exploiter chaque possibilité. Je suis clair ?

— Non, pas vraiment, a crié Ameli Vongsavath par l’écoutille du cockpit. Parce que la seule possibilité que je vois est d’emporter cette putain de bouée à la main et essayer de la lancer toujours à la main de l’autre côté de la porte, au cas bien improbable où elle fonctionnerait encore. Ça ne me paraît pas très possible, et c’est plus une façon de se suicider qu’autre chose. Ces trucs-là vous prennent votre pile…

— Nous pouvons scanner et détecter les nanobes… Mais des voix en colère ont fait taire Hand. Il a levé les mains, exaspéré. Sutjiadi a ordonné le calme, et l’a obtenu.

— Nous sommes des soldats, a rappelé Jiang, contre toute attente, dans la salle silencieuse. Pas des conscrits kempistes. Et nous ne pouvons pas gagner ce combat.

Il a regardé autour de lui, apparemment aussi surpris que les autres.

— Quand vous vous êtes sacrifié sur Danang, a dit Hand, vous ne pouviez pas gagner non plus. Vous avez abandonné votre vie. C’est ce que j’achète maintenant.

Jiang l’a regardé avec dédain.

— J’ai donné ma vie pour les soldats que je commandais. Pas pour le commerce.

— Oh, Damballah, a lâché Hand en levant les yeux au ciel. À votre avis, qu’est-ce qui motive cette guerre, pauvre troufion ? Qui a payé pour l’assaut de Danang ? Mettez-vous dans le crâne que vous vous battez pour moi. Pour les Corpos et leur putain de gouvernement fantoche.

— Hand, ai-je commencé en terminant de grimper l’échelle au centre de la cabine. Je pense que votre technique de vente fout le camp. Vous ne voulez pas laisser tomber ?

— Kovacs, je ne…

— Assis.

Mes paroles avaient un goût de cendre, mais elles devaient être plus substantielles que cela, puisqu’il a obéi.

Les visages se sont tournés vers moi, pleins d’attente.

Ça ne va pas recommencer.

— On ne va nulle part, ai-je dit. On ne peut pas. Je veux foutre le camp autant que vous, mais on ne peut pas. Pas tant qu’on n’aura pas placé la bouée.

J’ai attendu le déferlement d’objections, sans m’occuper de les faire taire. Sutjiadi s’en est chargé pour moi. Le calme qui a suivi était fragile.

Je me suis tourné vers Hand.

— Pourquoi vous ne leur dites pas qui a déployé le système N-REPO ? Et dans quelle intention ?

Il s’est contenté de me regarder.

— Très bien, je vais le leur dire moi-même. (J’ai examiné tous les visages tournés vers moi, sentant le silence se durcir et s’épaissir. J’ai désigné Hand d’un geste.) Notre sponsor a quelques ennemis à Landfall, qui aimeraient bien qu’il ne rentre pas. Les nanobes sont le moyen qu’ils ont choisi. Pour l’instant, ça n’a pas marché, mais personne ne le sait, là-bas. Si nous partons d’ici, ils le sauront, et nous n’aurons sans doute pas fait la moitié de la courbe avant de croiser quelque chose de pointu. C’est ça, Matthias ?

Hand a hoché la tête.

— Et le code des Impacteurs ? a demandé Sutjiadi. Ça ne compte pour rien ?

D’autres questions se sont croisées, incompréhensibles, après la sienne.

— Quel code… ? – Une ID d’entrée ? Merci pour le…

— Pourquoi on ne nous a pas…

— Fermez-la tous. (À ma grande surprise, ils l’ont fait.) Le commandement des Impacteurs a transmis un code d’entrée en cas d’urgence. Vous n’avez pas été mis au courant parce que… (j’ai senti mon visage se fendre d’un sourire)… ce n’était pas nécessaire. Vous n’étiez pas assez importants. À présent, vous êtes au courant. C’est un peu une garantie de sauf-conduit. Hand, vous voulez expliquer la ruse ?

Il a regardé le sol un moment, puis a redressé la tête. Son regard paraissait plus ferme.

— Le commandement des Impacteurs répond au Cartel, a-t-il dit du ton mesuré d’un conférencier. Ceux qui ont déployé le système de nanobes N-REPO avaient besoin de l’autorisation du Cartel. Les mêmes voies leur donneront les codes d’autorisation utilisés par Isaac Carrera. Les Impacteurs sont les plus susceptibles de nous abattre.

Luc Deprez s’est déplacé contre le casier où il s’appuyait.

— Vous êtes un Impacteur, Kovacs. Je ne pense pas qu’ils tueraient l’un des leurs. Ils n’en ont pas la réputation.

J’ai lancé un regard à Sutjiadi. Son visage s’est durci.

— Malheureusement, ai-je dit, Sutjiadi, ici présent, est recherché pour le meurtre d’un officier des Impacteurs. Mon association avec lui fait de moi un traître. Les ennemis de Hand n’ont qu’à présenter à Carrera une liste d’équipage de l’expédition. Cela suffira à court-circuiter toute mon influence.

— Vous ne pourriez pas bluffer ? Je pensais que les Diplos étaient doués pour ça ?

J’ai opiné.

— Je pourrais essayer. Mais nos chances ne sont pas bonnes, et il y a une façon plus simple.

Ça a coupé court à toute contestation. Deprez a penché la tête.

— C’est-à-dire ?

— La seule chose qui nous permettra de sortir d’ici en un seul morceau, c’est de déployer la bouée, ou autre mesure du même genre. Avec un drapeau Mandrake sur le vaisseau, rien ne va plus, et nous rentrons chez nous. Si on fait moins que ça, ils pourraient croire à un bluff. Si nous rentrons sans nous approprier le vaisseau, les petits copains de Hand pourront toujours déployer leurs bouées après notre mort. Pour les vaincre, nous devons transmettre une confirmation d’acquisition.

Le moment contenait tant de tension que l’air paraissait vibrer, osciller comme une chaise en équilibre sur deux pieds. Ils me regardaient tous. Putain, ils me regardaient tous.

Pitié, je ne veux pas que ça recommence.

— La porte s’ouvre dans une heure. Nous effondrons le rocher alentour avec l’ultravib, nous passons au travers et nous déployons cette putain de bouée. Et après, tout le monde à la maison.

La tension a de nouveau éclaté. J’ai attendu, au milieu du chaos de voix, sachant déjà que les vagues allaient s’épuiser d’elles-mêmes. Ils finiraient par se ranger à mon avis. Parce qu’ils verraient ce que Hand et moi savions déjà. Que c’était la seule faille, la seule façon de tous rentrer. Et ceux qui ne verraient pas les choses de cette façon…

J’ai senti un tremblement de gène de loup me traverser, comme un grognement.

Ceux qui ne verraient pas les choses de cette façon, je les abattrais.

 

Pour une spécialiste en systèmes machine et perturbation électronique, Sun s’est avérée très à l’aise avec l’artillerie lourde. Elle a fait quelques tirs d’essai avec la batterie ultravib contre des cibles sur les falaises, puis a dit à Ameli Vongsavath d’amener la Nagini à moins de cinquante mètres de l’entrée de la caverne. Avec les écrans d’entrée en atmosphère avant à pleine puissance, pour repousser les débris, elle a ouvert le feu sur l’éboulement.

Cela faisait un son de fil électrique gratté sur un plastique souple, le son de scarabées de feu mangeant de la belalgue à marée basse, le son de Tanya Wardani enlevant les fragments de colonne vertébrale de la puce de Deng Zhao Jun dans un hôtel de passe de Landfall. Tous ces sons chantants, claquants et crissants, mélangés et poussés à des proportions apocalyptiques.

Le son d’un monde qui se fend en deux.

J’ai tout regardé sur un écran depuis la soute, en compagnie des deux mitrailleuses automatiques et du placard à cadavres. Il n’y avait pas de place pour un public dans le cockpit. Et je n’avais pas envie de rester dans la caverne avec le reste des vivants. Assis sur le pont, j’ai regardé les images, déconnecté. Le rocher changeait de couleur avec une vivacité choquante, à mesure qu’il se fissurait et se brisait sous des pressions de mouvement tectonique. Puis l’éboulement des éclats qui se précipitaient, se transformaient en nuages denses avant d’échapper aux rayons d’ultravib qui balayaient les débris. Je ressentais un vague inconfort au creux de mon estomac, à cause de l’écho. Sun tirait à basse intensité, et le bouclier dans le nid du canon écartait le plus gros des vibrations qui rebondissaient sur la Nagini. Mais le cri suraigu du rayon et les crissements de la roche torturée entraient par les deux hayons ouverts et me vrillaient les oreilles comme un appareil chirurgical.

Je revoyais Cruickshank mourir.

Vingt-trois minutes.

L’ultravib s’est arrêté.

La porte a émergé de la dévastation, dans un nuage de poussière digne d’un blizzard. Wardani m’avait dit qu’aucune arme connue ne pourrait l’endommager, mais Sun avait tout de même programmé les armes de la Nagini pour cesser le feu au premier contact visuel. À présent, tandis que les nuages s’écartaient, je voyais les restes brisés de l’équipement de l’archéologue, déchirés et balayés par les dernières secondes du choc ultravib. On avait peine à croire à l’intégrité dense de l’artefact qui surplombait les débris.

Un soupçon de stupéfaction m’a caressé l’échine, souvenir soudain de ce que je regardais. Les mots de Sutjiadi me sont revenus.

Nous n’avons pas notre place ici. Nous ne sommes pas prêts.

Je les ai chassés d’un haussement d’épaules.

— Kovacs ?

À entendre la voix d’Ameli Vongsavath sur l’inducteur, je n’étais pas le seul à me prendre un choc de civilisations.

— Ouais.

— Je ferme les hayons de la soute. Gare.

Les trépieds des mitrailleuses ont glissé impeccablement jusqu’au pont, et les hayons se sont abaissés, occultant toute lumière. Un instant plus tard, l’éclairage intérieur s’est mis en route. Froid.

— Mouvement, a dit Sun d’un ton d’alerte.

Elle était sur la fréquence générale, et j’ai entendu la succession d’inspirations rapides du reste de l’équipage.

Il y a eu un petit à-coup quand Vongsavath a pris quelques mètres d’altitude. Je me suis stabilisé d’une main contre la paroi, et j’ai regardé malgré moi le pont sous mes pieds.

— Non, ce n’est pas en dessous de nous. (On aurait pu croire que Sun me regardait.) C’est… Je crois que ça va vers la porte.

— Putain, Hand, il y en a beaucoup, de cette saloperie ? a demandé Deprez.

J’ai presque vu le haussement d’épaules du cadre Mandrake.

— On ne m’a pas rapporté une quelconque limite au potentiel de croissance du système N-REPO. Pour ce que j’en sais, il s’est peut-être étendu sous toute la plage.

— Il y a peu de chances, à mon avis, a réagi Sun avec tout le calme d’une technicienne de labo en pleine expérience. Les détecteurs auraient remarqué un truc aussi gros. Et puis, il n’a pas absorbé les autres robots-sentinelles, ce qui serait le cas s’il s’était répandu latéralement. Je pense que la chose a ouvert une faille dans notre périmètre, puis s’est engouffrée dedans en linéaire…

— Regardez, a dit Jiang. C’est là.

Sur l’écran au-dessus de ma tête, j’ai vu les bras de la chose émerger du sol couvert de gravats autour de la porte. Peut-être avait-elle déjà essayé, en vain, d’émerger sous l’artefact. Les câbles étaient bien à deux mètres de la plinthe, pour les plus proches, quand ils ont frappé.

— Et c’est parti, a dit Schneider.

— Non, attendez. (Wardani, avec dans la voix ce qui ne pouvait être que de la fierté.) Attendez un peu.

Les câbles ont paru avoir du mal à saisir le matériau de la porte. Ils s’abattaient, puis glissaient, comme graissés. J’ai regardé le mouvement se répéter une demi-douzaine de fois. J’ai inspiré d’un coup en voyant un autre bras, plus long, surgir du sable, monter sur cinq ou six mètres puis s’enrouler autour des premiers bords de la spire. Si le même membre était sorti sous la Nagini, il aurait pu nous ramener au sol sans problème.

Le nouveau câble s’est resserré.

Et désintégré.

Au début, j’ai cru que Sun avait ignoré mes instructions et ouvert de nouveau le feu avec l’ultravib. Puis le souvenir m’est revenu. Les nanobes étaient immunisés aux armes à vibration.

Les autres câbles avaient également disparu.

— Sun ? Qu’est-ce qui s’est passé, putain ?

— Je suis en train de tenter de le déterminer, a-t-elle répondu, le langage de plus en plus affecté par ses relations aux machines.

— Elle l’a éteint, a simplement dit Wardani.

— Éteint quoi ? a demandé Deprez.

Et j’ai distinctement entendu le sourire dans la voix de l’archéologue.

— Les nanobes existent dans une enveloppe électromagnétique. C’est ce qui assure leur cohérence. La porte a juste éteint le champ.

— Sun ?

— Maîtresse Wardani paraît avoir raison. Je ne détecte aucune activité électromagnétique près de l’artefact. Et aucun mouvement.

Le petit sifflement de statique de l’inducteur, tandis que tout le monde digérait l’info. Puis la voix de Deprez, pensive.

— Et on est censés traverser ce truc ?

 

Vu ce qui s’était passé précédemment et ce qui allait se trouver de l’autre côté, l’heure H de la porte a manqué de superbe. À H moins deux minutes trente, les coulures d’ultraviolet que nous avions suivies sur l’écran de Wardani devinrent visibles, lignes liquides qui jouaient sur les bords de la spire. À la lumière du jour, l’affichage n’était pas plus impressionnant qu’une balise d’atterrissage à la lueur de l’aube.

À dix-huit secondes, quelque chose a paru se passer dans les plis, comme des ailes qu’on ébroue.

À neuf secondes, un gros point noir est apparu à la pointe de la spire. Il était brillant, comme une unique goutte de lubrifiant haute puissance, et paraissait rouler sur un axe propre.

Huit secondes plus tard, il s’est étendu avec une douceur lente jusqu’à la base de la spire, et au-delà. Le socle a disparu, ainsi que le sable sur une profondeur d’environ un mètre.

Dans le globe de ténèbres, des étoiles brillaient.

Anges Déchus
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